Chers Fratres
Si je vous disais qu’il y a eu de vrais Templiers au XIXe siècle, vous ne me croiriez certainement pas, vu que l’Ordre du Temple a été aboli en 1312 ou vous penseriez qu’il s’agit probablement de ces sulfureux néo-templiers dont le franc-maçon Bernard-Raymond Fabré Palaprat fut le fondateur, n’est-ce pas ?
Vous auriez raison, néanmoins la brève existence des Frères armés du Sahara (1 an ! ) qui avaient une mission faisant penser à celle des premiers templiers (non pas la défense des pèlerins mais la protection des caravanes et des voyageurs, la lutte contre l’esclavage ainsi que l’évangélisation de l’Afrique du Nord) m’a interpellée, du coup même si nous nous éloignons beaucoup de la période de prédilection du forum (juste quelques siècles ! ), pour ceux qui ne connaissaient pas comme moi il y a peu, cette milice du Christ, je souhaitais vous la faire découvrir ici.
En effet, Je ne pouvais pas ne pas en parler car si son fondateur, le cardinal Lavigerie (1825-1892) était landais, en revanche le père Augustin Haquard (1860-1901) qui est celui qui joua véritablement le rôle d’Hugues de Payns en organisant et en entrainant les frères armés, était lorrain et a fait partie du diocèse de Nancy.
C’est le cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger puis de Carthage enfin devenu cardinal qui passa sa vie à combattre l’esclavage et a tenté par son œuvre missionnaire de christianiser (l’espoir fait vivre !) autant que faire se peut l’Afrique du Nord et subsaharienne qui inventa les Frères armés. Il est le fondateur des fameux Pères Blancs (souvenez-vous des martyrs d’Algérie de 1994, dont l’histoire est contée dans le très beau film
des hommes et des dieux, ils en étaient... ) et des sœurs blanches.
Je vous joins une partie du texte que j’ai remanié un peu afin que vous ayez accès à l’essentiel, pour ceux qui veulent en savoir plus vous trouverez les liens en fin de page.
Bonne lecture !
II. LES FRÈRES ARMÉS DU SAHARA
En 1891, le Cardinal nomme le P. Hacquard à Biskra pour faire de lui le premier supérieur d'un nouvel institut religieux et militaire, les Frères armés du Sahara. Il quitte donc saint Eugène. Ses élèves, à cette occasion, lui témoignent toute leur affection, et font de lui un vibrant éloge.
La formation première est ainsi achevée. Étonnantes, cette estime et confiance mutuelle entre Lavigerie et Hacquard ! Étonnant le parcours imposé ! On parle aujourd'hui de formation permanente, de recyclages. Différence d'époques. Mais Lavigerie savait être exigeant quand il décelait une personnalité forte et des qualités, des possibilités exceptionnelles chez un jeune candidat pour la mission. Formation " à tout faire " dirait-on. Formation pour faire face aux situations les plus imprévues. Il ne s'agissait nullement cependant d'une formation de commandos parachutistes, comme le laissait supposer et le rêvait il n'y a pas si longtemps encore un cinéaste en mal d'imagination. Mais sûrement formation à la liberté et à l'initiative, bâtie sur le roc d'une foi profonde et d'une piété personnelle et solide.
Le Cardinal, qui réside alors souvent à Biskra, a le projet de fonder des postes de volontaires antiesclavagistes (50 membres environ). Leur rôle serait surtout de recueillir les esclaves enlevés ou échappés aux caravanes faisant la traite. Ils devront mener une vie partagée entre la prière, le travail (y compris l'agriculture et la chasse), et le maniement des armes. Il fait appel à Hacquard. Celui-ci a toujours aimé le désert et il se plaît très vite à Biskra. Il cherche aussitôt à créer des contacts amicaux avec les indigènes - tout en gardant de bonnes relations avec les militaires français.
Il raconte ainsi une de ses journées :
" J'ai du travail nuit et jour ; de temps en temps une petite lessive du cardinal, qui ne laisse pas d'être très paternel et très confiant avec moi ; quand on veut être bien tranquille et ne rien faire, je comprends qu'on n'aime pas venir près de lui, il n'y fait pas bon ; mais quand on désire faire ses premières armes sous un chef actif, vigoureux, d'une intelligence qui subjugue, et par-dessus tout d'un homme de Dieu ; alors on est à bonne école et c'est plaisir d'être manié par cet homme-là, pourvu qu'on ne soit pas une demoiselle, car, s'il est exigeant, il estime les hommes de caractère et de dévouement "
Le cardinal Lavigerie
Hacquard construit beaucoup - oubliant ses livres - et tient une abondante correspondance pour le recrutement. L'idéal de cette fondation était très beau. Lavigerie le décrit ainsi dans sa lettre de carême 1891 :
" L'œuvre à laquelle j'invite ces auxiliaires est une œuvre de courage, mais encore plus une œuvre d'abnégation. Je ne veux que des hommes qui se résignent à vivre pauvres dans les travaux et les fatigues, sans récompense humaine, sans traitement, sans solde, se contentant, comme ont fait les apôtres, du vêtement qui les couvre et des aliments qui soutiendront leur vie, consacrant tout ce qu'ils ont d'intelligence, d'ardeur, d'énergie à l'accomplissement d'une œuvre qui intéresse leur patrie, l'humanité, et, par suite, dans l'avenir, la religion, les âmes. […] Il faut, à la terre du désert, des hommes qui l'étudient, qui la travaillent, qui la cultivent, qui l'ouvrent là où la nature a su emmagasiner ses eaux, et qui joignent à l'exercice de la charité envers les pauvres et les malades, envers tous les déshérités, les arts utiles à la vie ".
Les postulants sont très nombreux : Mais parmi tous ces jeunes, combien de vocations sérieuses ? Pour beaucoup, l'attrait de l'inconnu, de l'aventure, le mirage du désert africain ont dû jouer. On parle alors de " milice sacrée " et Il y eut bien 1700 demandes. Hacquard dit en avoir retenu seulement 50. Il les reçoit à Biskra, mais peu de temps après il n'en reste que 30. Ils se mettent au travail et commencent leur formation. Les difficultés et critiques ne manquèrent pas…
Le Père Hacquard
" D'autre part, Mgr Toulotte, chef de la mission du Sahara, devenait, pendant son séjour à Biskra, le supérieur effectif de la station ; forcément, l'action du supérieur ordinaire était entravée, et sa situation imprécise devenait d'autant plus délicate que le vicaire apostolique passait pour n'avoir point foi en l'œuvre des Frères armés ". (Marin, P. 127-128)
En octobre, Hacquard fut nommé à Ouargla avec six " frères " pour fonder un nouveau poste. Long et pénible voyage de 15 jours.
L'existence des Frères armés devait finalement être très courte. À la conférence de Berlin, les puissances européennes s'étaient quasiment partagé l'Afrique. Dès 1890, Lavigerie savait déjà que ses frères armés ne pourraient agir qu'en zone d'influence française. Mais même là, il y eut très vite des oppositions politiques. Et beaucoup s'imaginaient qu'il y avait à Biskra une troupe armée encombrante et indépendante. Lavigerie avait parlé de 1700 candidats. Il n'y avait en réalité que 22 frères armés en formation ! En octobre 1892, Lavigerie prit finalement la décision de licencier la petite société des Frères armés. C'était tout juste avant la mort du Cardinal.
Étonnante aventure que celle des Frères armés du Sahara ! Que n'aurait pas entrepris Lavigerie pour débarrasser l'Afrique de ce fléau de l'esclavage ! Il rêvait aussi un peu de " moines défricheurs ". Mais il sut décider, le jour venu et devant l'échec quasi assuré de ce projet - très peu de temps avant sa mort, et ce fut une de ses dernières décisions - de dissoudre cette " milice ", d'ailleurs fort peu nombreuse.
http://peresblancs.org/mgr_hacquard01.htmhttp://www.peresblancs.org/itineraire8.htm