Boire et manger aux XIIe et XIIIe siècles. Quelques petits rappels historiques….

Contrairement à ce que beaucoup imaginent, on ne boit pas de bière aux XIIe et XIIIe siècles, dans ce qui deviendra la France. En effet, l'usage de la bière vient du monde germanique et si l’on boit de la cervoise jusqu'au XIe siècle, l'amélioration des conditions climatiques, le poids plus important de l'Eglise et la possession toujours plus importante de vignes favorise la consommation de vin au détriment de la cervoise à compter du XIIe siècle. Il est fréquent de consommer jusqu'à 2 litres de vin par jour, à peine coupé d'eau (les Cisterciens peuvent en boire 3 à 5 litres par personne et par jour en période de moisson). La crise climatique à partir du XIVe siècle favorisera le retour de la bière qui permet d’utiliser des céréales non panifiables : l’utilisation nouvelle du houblon détrônera la cervoise traditionnelle pour imposer la bière brassée selon les techniques des brasseurs du nord de l’Allemagne.

Le vin appartient au "triangle seigneurial" (pain/vin/viande: aliments censés échauffer le sang et favoriser l’ardeur guerrière) par opposition au triangle pénitentiel des ermites (pain/eau/végétaux) selon Anita Guerreau-Jalabert. C’est pourquoi le Templier peut manger de la viande trois fois par semaine les jours « gras » articles 26 et 185 de la Règle. Les jours « maigres » où l’on ne consomme pas de produits carnés, auxquels sont assujettis tous les chrétiens, représentent un tiers de l’année (vendredi, Carême, certaines veilles de fêtes…).

La viande provient essentiellement d’animaux d’élevage (le bœuf, généralement des bêtes de réforme, est peu apprécié et réservé aux catégories sociales modestes ; le mouton est consommé dans le sud de l’Europe et l’Angleterre ; le porc reste l’animal d’élevage par excellence, qui se nourrit dans la forêt et qui est principalement destiné à l’élite seigneuriale) et symbolise la richesse et la puissance. Les quantités consommées varient selon les régions et les catégories sociales : plus on s’élève dans la hiérarchie, plus la viande abonde, y compris chez les clercs et les moines (Templiers, Clunisiens...). Là encore, les quantités peuvent s’avérer importantes : 300 à 1kg par jour et par personne. Parfois plus dans les couches les plus élevées de la société. Les hommes en consomment davantage que les femmes.

Le pain reste la base de l’alimentation au Moyen Age : pain blanc de froment pour l’élite, pain gris composé de céréales mélangées pour les autres. Les quantités sont considérables : on en consomme selon les lieux et les circonstances, entre 500g et 3kg par jour et par personne, répartis sur les deux repas de la journée. On le mange « en soupe », c’est-à-dire trempé dans le bouillon ou la sauce de la viande.

Les poissons frais consommés les jours maigres par les élites proviennent souvent de viviers ou d’étangs, qui témoignent de la puissance de leur possesseur, clerc ou laïc, et de la productivité de ses terres. Pour le reste de la population, le poisson salé est le produit le plus courant.

La plupart des communautés monastiques possèdent des jardins potagers qui fournissent des légumes verts (on fait une consommation très importante de choux) et des légumineuses (fèves, lentilles…), une basse-cour qui procurent des œufs et des volailles et généralement un verger.

Les matières grasses sont apportées par le beurre, l’huile d’olives, les amandes ou les noix selon les régions et l’époque de l’année (jour gras ou maigres).

Ainsi, l’alimentation médiévale, même pour des moines-soldats que sont les Templiers, est relativement équilibrée selon nos critères diététiques actuels

(illustration tirée de la Bible d'Etienne Harding, 1109-1111)