Je n'ai fait que du copier/coller.
Les sacs de transport, les sacs de voyage.A la recherche de sacs de transport, c’est à dire hors sac de stockage (sacs de grains, sacs de farine, emballages provisoires) et hors contenants de toutes sortes suspendus à une ceinture, l’enquête s’est tournée du côté des voyages. Après analyse des contextes de voyage grâce aux cartels des bibliothèques et bases de données, deux grandes familles de déplacements se dégagent principalement : d’une part les déménagements & exils et d’autre part les pèlerinages (réels ou symboliques).
Mais les militaires, les marchands ambulants, les bergers ou les cueilleurs de fruits et légumes sont aussi des utilisateurs de sacs de transport.
Si ce thème vous intéresse également, voici les pistes de recherches suivies, ainsi que les différents contenants retenus.
Les déménagements, exil et retourParmi les exilés et voyageurs les plus connus, il est facile de repérer la Sainte Famille pendant la Fuite en Égypte (pour éviter les persécutions d’Hérode). Nous avons alors quelques constantes (la composition de la famille et son organisation : Joseph marche, Marie sur un âne porte Jésus dans ses bras) et quelques variables (présence d’un ou plusieurs compagnons de voyage, présence de bagages).
Plus rarement, on peut repérer le voyage vers Bethléem de Marie et Joseph (fig. 3) (il n’y a pas de bébé) ou bien le retour d’Égypte du trio (après la mort d’Hérode) vers Nazareth ; dans ces deux cas, Joseph et Marie vont à pied ; la différence entre les deux scènes est la présence du bébé.
Joseph est le seul à porter un bâton sur les scènes de Fuite en Égypte ; la question ne se pose pas pour Marie juchée sur sa monture et les bras occupés à porter sa sainte charge.
La tradition biblique mentionne également les ancêtres de Jésus : Elimélek, Naomi et Ruth.
Nous avons d’une part l’exil d’Elimélek & Naomi[01].
Et nous avons d’autre part le retour de Naomi, accompagnée de sa bru Ruth.
Le plus souvent, seul Elimélek porte un bâton qui, la plupart du temps est porté sur l’épaule (fig. 1) et un baluchon y est suspendu.
Parfois, mais ce n’est pas systématique, Naomi et les enfants utilisent aussi un bâton de marche.
Parfois Naomi porte également un vêtement au bout de son bâton sur l’épaule (fig. 2).
Parfois, le porteur est encombré à la fois d’un bâton de marche et d’une perche (fig. 6 et
.
Dans les cas les moins fastes (pour notre enquête), ce sont uniquement des vêtements qui sont disposés sur la perche (fig. 2). Nous ne les citerons pas par la suite.
Dans les cas les plus fastes (pour notre enquête), le bagage est constitué d’un bissac ou d’un baluchon (fig. 12). Il est parfois accompagné d’un vêtement (probablement un manteau ou des vêtements chauds) et d’une gourde : tonnelet, gourde ronde en céramique, etc.
Lorsque la charge sur le bâton est indistincte, nous avons pris le parti de la considérer comme vêtement si elle est colorée ; et comme bagage si elle est blanche, même si parfois le bagage a vraiment une drôle d’allure pour un vêtement chaud (fig. 5).
Pour la suite de l’enquête, nous n’avons pas retenu les scènes de voyage « sans bagage ».
Les pèlerinages Au sens propre, le pèlerinage est une visite vers un sanctuaire pour demander l’intercession d’un saint en particulier (mort ou vivant…). Les attributs typiques du pèlerin sont le bourdon (bâton de marche) et la sacoche (un petit sac destiné à contenir le pain pour la journée) ; ce sont eux qui font l’objet de bénédictions pour des pèlerinages particuliers (fig. 10). Associés, ce sont deux marqueurs permettant de reconnaître des pèlerins.
Au figuré, la notion de pèlerinage est exploitée pour décrire la vie elle-même (le Pèlerinage de vie humaine), par « Guillaume de Digulleville, moine de Chaalis » : ses textes ont été abondamment illustrés et le héros est toujours doté des attributs habituels des pèlerins : bourdon et sacoche. Le bourdon est un peu plus qu’un simple bâton : son extrémité basse est ferrée et la poignée est délimitée par au moins deux bosses (ou parfois une seule boule terminale).
Dans le cas de pèlerinage précis, ou de pèlerin illustre (tel saint Jacques le Majeur), le bâton n’est figuré que comme bâton de marche. Dans les manuscrits illustrant des pèlerinages plus symboliques, nous avons vu des bourdons sur l’épaule, supportant divers objets ; ces objets étant parfois assez nombreux, le bourdon est un bon moyen pour le peintre de les montrer tous à la fois (et libérer les deux seules mains du pèlerin).
En tout état de cause, le pèlerinage est associée à l’humilité et par voie de conséquence également à la pauvreté (au moins momentanée). C’est peut être cette association qui oppose Pauvreté et Fortune (fig. 11).
Le matin de Pâques, sur la route d’Emmaüs, Jésus rencontre deux disciples affligés par sa mort quittant Jérusalem. Ils sont surnommés « pèlerins d’Emmaüs » et sont le plus souvent représentés équipés d’un bourdon, et portent en bandoulière la fameuse petite sacoche à pain (fig. 17). Cette scène pourrait également figurer au paragraphe « voyage » mais nous la classons avec les pèlerinages.
Nous avons rencontré un petit anachronisme : au folio 72v du manuscrit 18 de la bibliothèque Mazarine, Elimélek quittant Bethléem est équipé d’une musette (fig. 18). Le rabat est décoré d’une coquille saint-Jacques, ce qui est destiné à confirmer son statut de voyageur auprès du lecteur mais ce qui n’a pas de sens car Elimélek était… un aïeul de Jésus ! (et ne connaissait donc pas le culte de saint Jacques de Compostelle).
Les pauvres et les mendiant(e)sLes personnes malades ou mal portantes en sont parfois réduites à la mendicité : lorsqu’elles sont représentées, il s’agit souvent d’illustrer des miracles (paralytique remarchant, aveugle revoyant). Ces scènes-là apportent peu à notre enquête. Il existe d’autres mendiants, qui sont aussi des vagabonds par choix : ceux-là nous intéressent plus car ils sont parfois dotés de sacs de formes diverses et non toutes identifiées (fig. 11).
Les marchands et cueilleurs du Tacuinum sanitatisEn matière d’échoppes, marchands et denrées, les divers manuscrits illustrant le Tacuinum sanitatis[02] sont très précieux. Toutes sortes de contenants y sont figurés, pour toutes sortes de transactions, du simple sac rectangulaire pour la farine au sac à baguettes rigides en passant par les paniers, les flacons et les boîtes en bois blanc.
Du manuscrit Latin 9333 de la BNF, nous avons retenus le marchand de grives, la récolte de l’alpinia[03], le ramasseur d’oeufs de perdrix(?) et la récolte de fèves, montrant des sacs en toile montés sur des baguettes rigides (fig 18,18,20,22).
Les bergersLes bergers, qui sont forcément éloignés de leur maison emportent probablement des provisions de bouche et quelques menus objets lorsqu’ils sont occupés au pâturage. Un sac particulier leur est associé, qu’ils portent à la taille à la façon des sacs « banane » de la fin du XXème siècle. Il est souvent quadrillé (fig. 11b), ce qui suggèrerait la présence d’une sorte de filet. C’est également une sorte de filet qui est visible sur une statue de berger de la cathédrale d’Amiens (copyright sur la photo qui ne sera pas reproduite ici). Le contenu de ces sacs-filets de bergers n’est jamais trop identifiable.
Le même type de contenant figure aussi bien sur les bergers que sur les bergères. Parfois, de menus objets sont suspendus à cette « banane » (fig. 11a) par des anneaux cousus [04].
Si l’on ne trouve ces sacs particuliers que sur des bergers, cela ne signifie pas que les bergers n’utilisent que ces sacs. Nous avons vu quelques bergers portant un sac en bandoulière en remplacement ou bien en complément.
Ces sacs « banane » étant vraiment très particuliers et leur usage semblant circonscrit aux seuls bergers, nous arrêterons là l’enquête à leur sujet.
L’observation et l’analyse de tous ces sacs de transport nous ont conduits à créer les catégories de sacs suivantes. Comme souvent, plus nous avançons dans le temps, plus les scènes sont détaillées.
Le bissacUn bissac est un sac en forme de polochon, fendu sur le dessus et formant deux poches aux extrémités lorsqu’il est suspendu sur une perche ou posé sur une épaule ou encore sur le dos d’un animal. Il y a deux poches de stockage mais une seule ouverture pour accéder aux deux. Il ne s’agit pas de deux sacs ouvrant séparément, indépendants et réunis.
Besace est synonyme de « Bissac » ; le terme est « besace » est utilisé à tort, de nos jours par les maroquiniers pour désigner une sacoche avec un rabat, suspendue par une sangle permettant de la porter à l’épaule ou en bandoulière ; ce n’est pas cette signification, tout à fait moderne, que nous avons retenue pour notre enquête. Ainsi, nous n’appellerons pas ici « besace » la sacoche de pèlerin qui est un petit contenant destiné à transporter le pain de la journée sur la route, car il ne s’agit pas d’un bissac.
Le bissac (tel que porté par Joseph fig. 12 et 15) n’est pas aussi facile à repérer que la sacoche de pèlerin. Nous avons localisé essentiellement des bissacs blancs ou clairs, probablement en toile, certains hors du contexte de voyage comme le transport de marchandises (lorsque Jésus chasse les marchands du Temple , fig. 16) ou de monnaie (lorsque Matthieu le percepteur romain entend l’appel des disciples de Jésus, fig. 14).
Le volume, évalué selon les probables objets stockés (et non d’après les proportions dessinées), est variable, même si la structure reste identique : le porte-monnaie de Matthieu (fig. 14) n’aura pas les mêmes dimensions que le polochon porté par Philippe de Majorque[05] (fig. 17) ou celui porté par un âne (fig. 17a).
Le sac en toile avec deux baguettes rigidesC’est un sac de transport que l’on voit plutôt en Allemagne et à la fin du Moyen-âge seulement. Peut-être existe-il avant mais le niveau de détail des peintures ne nous a pas permis d’en identifier formellement. Les plus faciles à repérer se trouvent dans le Tacuinum sanitatis Latin 9333 de la BNF (fig. 18, 19, 20). Il s’en trouve d’autres dans le manuscrit NAL 1673 de la BNF, ainsi que dans le Ms.4182 de la Casanatense.
Il s’agit vraisemblablement de toile (lin, chanvre) brute (non teinte). La large ouverture du sac est rigidifiée par deux baguettes de bois (?) glissées dans une partie du col du sac et percées pour laisser passer une cordelette qui servira à la fois à fermer le sac et à la fois à le transporter en bandoulière. La cordelette passe à travers la toile, créant des soufflets de chaque côté des baguettes : cela peut créer une lanière assez longue pour permettre un port en bandoulière (en ne tirant la cordelette que d’un côté) ou bien une lanière assez courte pour être suspendue à un bâton de marche.
En tout état de cause, ce dispositif peut être appliqué à des contenants de tailles diverses mais, selon notre enquête, toujours liés à la nourriture.
Le patron d’un tel sac est très simple : un rectangle plié en deux et cousu sur deux côtés.
Nous avons repéré ce type de sac à ouverture rigide en divers contextes liés au transport de denrées, notamment sur une scène de la passion du Christ, dans le dos d’un bourreau de Jésus avec un morceau de pain visible et le goulot d’un flacon dépassant (fig. 21), donc dans un contexte presque militaire (le bourreau est un soldat romain) ; mais aussi dans des scènes décrivant saint Ulrich et son miracle du repas de poisson[06] (tryptique Universalmuseum Joanneum, n°inventaire 417 et 418, scènes disponibles dans la base de données Autrichienne Imareal sous les n° 503 et 506). C’est aussi un sac à ouverture rigide qui sert à un ramasseur d’oeufs, la toile est cependant plus délicate, représentée sous forme de quadrillage (fig. 22) : peut-être est-ce un filet, peut-être est-ce une étoffe très fine et transparente, mais seul le peintre pourrait nous répondre.
A noter : le marchand de grives (fig. 18) , en plus du sac à baguettes est probablement équipé d’un bissac (dans lequel il plonge la main) : les deux poches sont rabattues l’une sur l’autre, le bissac ou plutôt une véritable besace étant posé à cheval sur une sangle.
La sacoche en bandoulièreLe sac de pèlerin, de petite taille (suffisamment grande pour être repérable sur les dessins mais plus petite sur les sculptures) est en toile ou en cuir : on le voit le plus souvent sans couleur (blanche, beige, bise) ou bien noire comme les souliers, ce qui suggérerait que la sacoche soit parfois en cuir noirci.
En se référant à la définition de la besace, les pèlerins portent en bandoulière une musette ou une sacoche mais pas une besace.
La musette est un sac de toile (qui était initialement suspendue au museau des chevaux pour les donner de l’avoine), elle serait donc non colorée, blanche ou bise ou grise. Si elle est portée en bandoulière, son usage semble similaire de celui de la sacoche, les deux termes sont peut-être équivalents.
Nous avons noté que ce sac est la plupart du temps porté en bandoulière (c’est à dire en travers du torse, et non pendu directement à l’épaule), ce qui est le plus pratique sur de longues distances. Nous avons remarqué également et qu’il n’est que très exceptionnellement coloré (coloré : ni noir, ni blanc ou grisâtre) avant la seconde moitié du XIVème s. Parfois, la couleur ressemble plutôt relever d’un choix esthétique (fig. 23) pour l’illustration (on retrouve dans le même ouvrage un bissac orange (fig. 16), ce qui est également fort peu probable).
Ces musettes ne se retrouvent que sur des pèlerins et des gens en déplacement qui, habituellement, sont équipés de vêtements d’extérieur : manteau/garde-corps et éventuellement chapeau de pluie (fig. 27).
Pourtant, Naomi porte une musette sur le folio 72v du ms 328 de la bibliothèque municipale de Cambrai (fig. 10) et sa coiffure d’élégante citadine (« touret » et chignon) est exceptionnellement décalée : il est rare de voir associés ces deux accessoires, c’est aussi incongru que le seraient de nos jours une pochette de soirée en velours et strass portée avec un jogging, ou bien un sac polochon porté avec une robe de cocktail.
Sur les dessins, le bourdon et le sac peuvent être disproportionnés, parce qu’ils sont les héros de l’image, comme lorsque Grâce de Dieu remet son sac au pèlerin (de vie humaine)(fig. 25, 26). La scène dans laquelle Grâce de Dieu montre sa maison au pèlerin (fig. 28) présente un sac de taille beaucoup plus réaliste. De façon générale, avant le milieu du XVème siècle, sur les illustrations les plus plausibles, ce sac de pèlerin fait à peu près la taille d’un visage.
Ce sont précisément les bourdons et les musettes qui nous permettent de mieux appréhender la fresque de saint Gilles du Loroux-Bottereau : un souverain (il est couronné) s’est déplacé, humblement, pour implorer l’ermite saint Gilles devant lequel il est agenouillé ; sa suite l’a accompagné en vêtements de voyage, dans ce pèlerinage (fig. 30) et porte bourdon et sacoche en bandoulière.
Au fil des siècles, le sac de pèlerin évolue un peu : le port en bandoulière reste prédominant, voire exclusif, mais à partir du XIVème siècle, la matière semble changer. La toile (blanche, écrue, claire) qui était quasiment systématique, semble remplacée plus fréquemment par du cuir ou en tout cas par une matière foncée, de brun à noir en passant par le marron (bien plus foncé que de la toile claire devenue sale). Et le type de fermeture se modifie également : une ou plusieurs boucles, voire des lacets, viennent se substituer au simple rabat en biseau ou en pointe.
Il est à noter également que dans le même temps, sur les représentations de saint Jacques le Majeur, le volume de ce sac devient plus important : est-ce parce que cet attribut doit être impérativement reconnu, parce qu’il est particulièrement signifiant sur ce saint, est-ce que l’objet évolue, l’évolution est-elle liée exclusivement à Jacques le Majeur ?
Une observation systématique des images associées aux mentions « sac, besace, musette ou havresac » dans les bases de données françaises [07], ne nous a pas permis de trouver de femme en « tenue de ville » portant une musette en bandoulière, à l’exception de quelques représentations de Naomi mentionnées plus haut ; ces peintures sont particulièrement petites et l’ajout d’accessoires de mode typiquement féminins comme le « touret » permettent surtout de distinguer Elimelek de Naomi, en même temps que préciser le statut de Naomi : elle a beau s’exiler pour cause de famine, elle n’en reste pas moins la grand mère du roi David. Et il s’agit bien là d’indiquer l’exil, l’itinérance (la musette, le bourdon).
Nous n’avons pas non plus relevé d’illustration d’homme portant un des types de sacs décrits ici, en dehors des contextes décrits ci-dessus.
Conclusion de cette enquêteLa sacoche en bandoulière est un marqueur de déplacement, qu’il s’agisse d’errance continue (mendiants) ou ponctuelle (pèlerinage ou voyage). Il s’agit d’un accessoire utilitaire, pas d’un accessoire de mode.
Le bissac est un marqueur de voyage ou de commerce. Le sac « banane » de berger n’est porté que par des berger(e)s.
Le sac à baguettes est également très particulier dans sa destination (denrées alimentaires) mais surtout dans sa localisation géographique.
Porter une musette en toile en bandoulière, aussi bien qu’un bissac, pour une femme aussi bien que pour un homme, est bien un marqueur de déplacement : on part à l’étranger, on revient de l’étranger, on se rend en pèlerinage, on revient de pèlerinage. Lorsqu’on est chez soi ou en ville, on ne promène pas son casse-croûte avec soi, une bourse normale suffit à contenir de la monnaie pour des emplettes. L’utilisation d’une musette en toile (ou en cuir), en bandoulière ou à l’épaule, n’a de sens que si l’on est en déplacement (voyage ou pèlerinage ou transport de denrées ou absence de domicile).